Perquisition chez les voisins kurdes de Sarkozy

Perquisition chez les voisins kurdes de Sarkozy

    DES VALISES renversées, des serrures

    démontées et des ordinateurs emportés. Au n

    o

    16, dans les locaux du centre culturel

    kurde Ahmet-Kaya, trône le visage d'Abdullah Ocalan, leader du PKK, parti indépendantiste kurde.

    Quelques mètres plus loin, au n

    o

    18, rue d'Enghien à Paris (X

    e

    ), le portrait

    de Nicolas Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, est affiché dans son QG de campagne.

    Une opération antiterroriste a visé hier le PKK, et notamment ce centre culturel, perquisitionné

    par les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT).

    L'enquête porte sur un possible

    réseau de « blanchiment » et « financement du terrorisme », instruite par les juges Thierry

    Fragnoli, Jean-Louis Bruguière et Philippe Coirre. Au total, treize personnes, susceptibles

    de constituer la tête dirigeante du PKK en Europe, ont été interpellées en région parisienne.

    Selon nos informations, l'opération a aussi permis d'arrêter à Bruxelles, dans le cadre d'un

    mandat d'arrêt européen, le n

    o

    1 du mouvement en Europe. Environ 50 000

    ,

    une arme de poing, des faux papiers et la comptabilité occulte de l'organisation ont été saisis.

    L'argent

    récolté

    envoyé en Turquie

    Vers 10 heures, hier, les sympathisants du mouvement kurde arrivent

    les uns après les autres, hébétés, au centre culturel. L'un d'eux, employé comme chauffeur par

    l'équipe de campagne de l'UMP, n'en revient pas : « Je ne comprends pas, explique-t-il. Il n'y

    a ici que des activités culturelles et éducatives. » « S'ils avaient voulu les clés, nous leur

    aurions donné », s'indigne une militante.

    Ces interpellations sont le résultat de six mois de

    surveillances. L'affaire a démarré en juillet 2006 avec l'arrestation de deux Kurdes, alors

    qu'ils tentaient de changer 200 000

    dans un bureau de change parisien. Lors des

    perquisitions, les policiers de la SDAT, épaulés par l'Office central de répression et de lutte

    contre la grande délinquance financière (OCRGDF), découvrent 110 000

    supplémentaires.

    Des tests réactifs menés sur les billets permettent de découvrir des traces de cocaïne et d'héroïne.

    Les suspects expliquent avoir récupéré l'argent aux Pays-Bas lors d'une opération commerciale.

    L'enquête

    permet de remonter les contacts de ces deux hommes : les policiers ont rapidement la conviction

    d'avoir détecté les principaux cadres du PKK en Europe. « Ils vont d'un pays à l'autre, raconte

    un enquêteur. Ils étaient en France depuis quelques mois. »

    Les opérations de collectes étaient

    coordonnées au niveau national : les militants se répartissent le territoire en secteur géographique,

    de manière très structurée. Les enquêteurs soupçonnent des opérations de pressions et d'intimidations

    visant la diaspora kurde. L'argent récolté est ensuite envoyé en Turquie, où il sert à alimenter

    les caisses de l'organisation, classée comme terroriste depuis avril 2004 par l'Union européenne.

    Selon

    une source proche du dossier, les personnes interpellées étaient directement en contact avec

    le QG militaire du PKK, installé au Kurdistan irakien, ce qui les place au plus haut niveau

    de l'état-major politique et logistique du mouvement. Depuis quelques mois, un parti proche

    du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), ont revendiqué des attentats visant des

    sites touristiques.

    Les responsables du centre Ahmet-Kaya appellent à une manifestation aujourd'hui

    pour dire « ensemble tout devient possible, mais avec la démocratie et le respect des droits

    de l'homme ».